Une colocation difficile
Angèle aime sa mère. L’idée que Mathilde puisse ne plus faire partie de son existence creuse toujours en elle un profond abîme.
Elles se sont toujours beaucoup ressemblé. Même chevelure sombre, même ovale de menton, même regard noisette pailleté d’or. Ado, cette ressemblance rassurait Angèle sur sa beauté à venir. Entendre que sa mère était une jolie femme la flattait par ricochet. Mais, avec les années, apparurent les premières griffures du temps sur la peau maternelle, les premiers fils blancs dans sa chevelure… La mère devenait une projection moins séduisante de ce que serait la fille. Angèle était terrifiée.
Mathilde avait eu sa fille tardivement et, sept ans après la naissance d’Angèle, le père de celle-ci s’était éclipsé pour une autre femme, beaucoup plus jeune. Mathilde avait élevé sa fille seule. Jamais elle ne s’était plainte, même si elle aurait aimé, elle aussi, rencontrer un autre homme – plus jeune que le père d’Angèle ou de son âge. Ça ne s’était pas fait. La vie est parfois moins généreuse qu’elle ne le devrait.
Avec ses parents divorcés, enfant, Angèle a navigué entre deux univers : celui de ce père, homme brillant, entouré d’amis artistes, anciens soixante-huitards ayant su bâtir une réussite professionnelle dans l’opulence des Trente Glorieuses, période où l’argent circulait abondamment et où le chômage était un mot rare. Puis de l’autre côté, l’univers de sa mère, beaucoup plus fragile, précaire, terriblement seule et sans vraiment beaucoup d’amis. Tout tournait autour d’Angèle qui ne voyait pas le vide amoureux de Mathilde. Pendant des années, l’amour inconditionnel que lui portait sa mère lui semblait naturel. Mais en grandissant, Angèle connut aussi d’autres formes d’amour, elle commença à s’éloigner de sa mère que le temps marquait de plus en plus de ses empreintes. Elle voulait se protéger.
La jeunesse, comme la beauté, est éphémère. Angèle le sait, mais elle refuse de voir sa
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