ESPACES EN FUSION
Éblouissante Naples! Au cœur du quartier de son enfance, l’architecte Giuliano Andrea dell’Uva respire sa ville comme on hume le large. La mer est son ancrage et ce n’est pas tout à fait un hasard si, via Ferdinando Palasciano, se trouve le siècle, marqué par les empreintes successives du temps, raconte son voyage à travers les siècles et vibre de mille vies. L’appartement privé et le studio de l’architecte se hissent à hauteur d’horizon. Il choisit cet emplacement pour sa vue sur la mer, tournée vers Capri, sa marée de toits, et la magie de ce dernier étage qui déploie un enchevêtrement de terrasses, où il fait bon vivre et promener son regard. De balcons imbriqués en fenêtres sur cour, la question de la vie privée y est assez relative. Mais voir et être vu n’appartient-il pas au petit théâtre de la vie napolitaine? Réunis par un palier, deux appartements se font face. La fluidité qui chemine de l’un à l’autre est absolue. Un lien de continuité fait courir un fil rouge esthétique sur l’ensemble. Lorsque Giuliano Andrea dell’Uva est confronté à la question de son propre habitat et à ce qu’implique la proximité de la vie de famille et de la ruche créative des collaborateurs, l’exercice est complexe. Faut-il envisager une partition de l’espace comme il le ferait pour un client? Penser prioritairement en termes de création ou de confort? Côté maison, une hauteur de 5mètres sous plafond le renvoie à des problématiques structurelles. Chauffage et climatisation se feront par le sol. C’est ainsi que l’appartement privé s’organise autour d’un monolithe noir qui articule salons, cuisine et salle à manger, avec un parti pris de lignes rigoureuses, adoucies par des objets et des meubles de collection. Tout à côté, les bureaux conservent leurs volumes et leurs sols d’origine avec un contrepoint de couleurs fortes et tranchées. Ce qui relie les deux espaces est ce désir assumé de garder sur les murs les traces du passé. Des éléments de décors XIX siècle aux patines et faux marbre parfois désuets que l’architecte parvient à intégrer au projet de rénovation avec une belle intelligence narrative. Par son attention qui va du détail au plan d’ensemble, Giuliano Andrea dell’Uva signe une traversée du temps qui intègre sa passion pour un esprit de collection. Dans cet univers strict sans être sévère, Gio Ponti garde une place privilégiée, inspirée et inspirante. Le respect d’une pensée napolitaine se lit entre les lignes de cette restauration exemplaire où l’architecte et son équipe vivent au quotidien leur archéologie du temps comme une seconde nature.
